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Sous la Mer, la PaixUmberto Pelizzari évoque son ami Jacques Mayol |
Révélé au grand public à l'occasion de sa collaboration au film de Luc Besson " Le Grand Bleu", Jacques Mayol fut un véritable mythe vivant pour toute une génération de plongeurs.Premier homme à atteindre 100 m en apnée, il sut inspirer confiance, générer une ambition commune et conférere à l'apnée une réelle dimension philosophique.Jacques Mayol s'est donné la mort le 22 décembre 2001, il avait 74 ans. " La disparition de Jacques Mayol fut le jour le plus triste de ma vie. Lorsque j'ai appris la nouvelle, au Brésil, j'ai passé trois jours coupé du monde,replié sur moi-même à me poser des questions, à tenter de comprendre. Pour lui rendre hommage, j'ai envoyé un e-mail à tous les "apnéistes" du monde en leur rappelant tout ce que nous lui devons. L'homme Jacques Mayol n'est plus, mais ce qu'il représente demeurera. Les symboles ne meurent jamais. Je me souviendrai toujours de notre première rencontre. C'était au Salon Nautique de Paris en Décembre 1990. J'en avais le souffle coupé, non pas que je fus en apnée, mais j'avais en face de moi Jacques Mayol et son histoire, mon mythe, mon modèle. Je lui rappelai que vingt ans plus tôt, parce qu'il était italien comme moi, j'étais un grand supporter d'Enzo Maiorca!. Trois jours plus tard, il vint vers moi et me dit: "Je t'enseignerai tout ce que tu ne pourras pas apprendre avec Maiorca!" Je passais alors des nuits entières à l'écouter: il parlait de sa vie, citait des proverbes, évoquait des histoires fantastiques à ^propos de peuples et de tribus vivant de la pêche en apnée. Aujourd'hui lorsque je croise à nouveau les itinéraires de Jacques mayol, il me semble encore entendre et ses belles histoires. J'ai toujours suivi ses conseils... sauf deux ! Ne pas faire monter de femmes à bord pendant les entraînements (il affirmait qu'elles portaient malheur !) et manger beaucoup d'ail ( qui favorise la circulation du sang). Il tenait cette "technique" d'un philippin, Pédro Angunaldo, chef de tribu des Badjaos, véritables nomades de la Mer. |
A 81 ans, Pédro plongeait encore en apnée et réalisait d'excellentes performances. Malgré les grandes quantités qu'il ingurgitait, Jacques Mayol était toujours second. Je me souviens qu'à l'occasion des mondiaux de 1998, en Sardaigne, pendant la réunion de tous les athlètes du monde, on fit entrer Jacques dans la salle sans prévenir. Tout le monde se leva et beaucoup pleurèrent d'émotion. Récemment il m'a dit : "Nous passons notre vie à chercher l' autre chaussure. Nous en avons une, mais nous sommes à la recherche de l' autre. J'ai traversé les années en cherchant le maximum de joie sous l'eau. Aujourd'hui, je crois que la plus belle apnée, je la vivrai quand je ne la chercherai plus." "Sais-tu ce qu'il faut faire pour vivre dans le monde des sirènes ? Tu dois descendre au fond de la Mer, très loin, là où le bleu n'existe plus, là où le ciel n'est qu'un souvenir. Et quand tu y es, tu te fermes dans le silence et décides d'y mourir pour rester avec elles pour l' éternité. Alors les sirènes viennent vers toi juger l'amour que tu leur offres. S'il est sincère, s'il est pur, alors elles t'accueilleront pour toujours..." Ce sont les mots écrits par Mayol pour le film Le Grand Bleu (1988) J'espère que Jacques a rencontré ses sirènes et qu'elle l'ont accueilli pour toujours dans sa Mer. C'est ainsi que je veux m' en souvenir." Umberto Pelizzari |
A lire : de Pierre Mayol, le frère ainé de Jacques et du journaliste Patrick Mouton "L'Homme dauphin" éditions Arthaud . 256 pages 20 euros. vu et lu le 09/04/2003, tout simplement J.S |
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